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le 18 novembre 2024

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(biographie, bibliographie...)

Quelle ambition ! Chant Royal (classique)

En l'an moins cent, un vaste territoire
Au Nord-Ouest, assemble les Gaulois
Que les Romains jugent peuple barbare.
Soixante états, différents par leurs lois :
Gaule aquitaine et celtique et Belgique.
Chacun des chefs, loin d'être pacifique,
N'est tolérant que pour se protéger
En s'unissant contre tout étranger,
Surtout César et son armée romaine
Dont l'appétit représente un danger…
C'était épique, en ma Gaule lointaine !

Julius Caesar aimerait laisser croire,
Autant d'ailleurs que pharaons et roi,
Qu'il est divin ; son destin, c'est la gloire !
Certains Gaulois comptent parmi ses proies :
Les Narbonnais sont inclus dans sa clique ;
Les Cisalpins ont appris sa musique.
Indépendants, le cœur encor léger,
Les trois autres acceptent d'échanger,
De commercer avec Rome sans gêne
Mais la prudence est à envisager…
C'était épique, en ma Gaule lointaine !

En cinquante-sept, un souci se prépare :
César installe un campement sournois,
Proche de nous, signe prémonitoire !
Après l'hiver, Loup sortira du bois !
Sus aux Romains ! Mon peuple magnifique
Lance l'assaut qui sera terrifique.
Dans le vallon du Sabis saccagé,
Quelle hécatombe en ce camp dérangé !
César lui-même a cru sa mort certaine.
"Ces Belges braves", il doit les louanger…
C'était épique, en ma Gaule lointaine !

Son compliment, gravé dans notre Histoire
Pour les Romains, renforcera leur foi
En leur Consul, rescapé du déboire.
Trois ans plus tard, Ambiorix conçoit
Habilement le plan diabolique
D'éradiquer une légion nordique.
Notre Eburon l'a très bien dirigé.
Le bataillon naïf est égorgé.
Mais la tribu périra de la haine
Du grand vaincu pressé de se venger…
C'était épique, en ma Gaule lointaine !

Plus d'Eburons ! Poursuivi dare-dare,
Ambiorix a fui, en Germanie, je crois.
Après deux ans, un Arverne notoire, *
Bien épaulé en Gaule et sûr de soi,
Trahit César, contraint par sa tactique
De reculer vers le Sud sans réplique.
Dans Alésia, le Romain retranché
Mène travaux, finira par piéger
Tous ces Gaulois et leur beau capitaine.
Là, les Latins pourront emménager !...
C'était épique, en ma Gaule lointaine !

ENVOI
Vaillants aïeux, valeureux assiégés,
Accaparés par César outragé,
Vous n'étiez pas la peuplade vilaine
Que dépeignaient des récits arrangés…
C'était épique, en ma Gaule lointaine !

* Vercingétorix, nom de 5 syllabes, impossible à caser dans un Chant Royal, à moins d'avoir une rime en "ix" ! Chaque vers doit compter 4 syllabes (pieds), suivies de 6 = 10 pieds, la césure venant après le 4e pied.

RAPPEL HISTORIQUE ET LEXIQUE :

Les Belges étaient en Gaule à la fin du IIe s. av. J-C ; ils avaient donc résisté vaillamment et efficacement aux Cimbres et aux Teutons, installés sur les bords de la Baltique.
Alesia : Alise-Sainte-Reine (Bourgogne, Côte d'Or) plus près de Montbard que de Dijon.
Avaricum puis Bituriges : l'actuelle Bourges.
Lugdunum : l'actuelle Lyon.
Le Sabis : probablement la Sambre, en fin de compte.
Les Vénètes (Vannes) : actuel Morbihan (peuple de Gaule celtique)
Les Cadurques : habitant l'actuelle région de Cahors.
Les Bellovaques : habitant l'actuelle région de Beauvais.
Les Médiomatriques : Gaulois belgiques de la Moselle. (belgique est alors un adj.)
Les Nerviens : puissant peuple belge du N-E de la Gaule, dont la capitale est Bavay (Bagacum). A l'époque romaine, ils se trouvaient à l'est de l'Escaut (Scaldis : rivière brillante), ainsi séparés des Atrébates et des Ménapiens.


Fable sans morale

Jadis, Allier, de fougueux caractère,
A croisé Loire, encline à l'ambition.
Au Bec d’Allier, lieu de confrontation,
Notre Galant, troublé par son mystère,
Lui proposa de guider son chemin :
« Ô belle Dame, acceptez mon hommage.
Faisons tous deux le plus doux mariage.
Je serai Fleuve et vous tiendrai la main.
N'y songez point ! Je vous suis supérieure.
Simple cours d'eau? C'est bien trop peu pour moi.
Gardez pour vous ce ridicule émoi,
Signe certain de faiblesse intérieure. »

Emasculé contre sa volonté,
L'Allier devint rivière et non pilote,
Lors que la Loire a porté la culotte,
Se sacrant fleuve en toute impunité.

C’est anormal ? Allons ! Voyez le monde !
Ce cas survient chez les Humains aussi.
Sachez, Messieurs, si ça vous fait souci :
Notre affection n'en est que plus profonde.


On peut rêver (poésie libre rimée)

La Terre était bien triste et se plaignit à l’Arbre :
« Oh ! Toi qui es si fort, ô roi des végétaux,
Tu vois autant que moi l’inéluctable fin
Où les Humains ingrats, dévorés d’ambition,
Nous précipitent tous, me laissant épuisée.
J’ai beau cracher le feu, déchaîner l’Océan,
Secouer les Cyclones, affoler les Saisons,
Ils sont aveugles et sourds, habités de névrose.
Comment toucher leur cœur, éveiller leur prudence ?
Dans ta grande sagesse, aurais-tu quelque idée ?

Et l’Arbre réfléchit ; il n’était pas de marbre
Face aux maux de la Terre qu’il voyait de là-haut.
Tant de cadeaux précieux gaspillés par l’Humain
Entraînant au déclin toute la Création !
Si c’était moins sérieux, on en ferait risée !
Il appela le Vent, du lointain Occident :
« Je te dérange, Ami, pour de bonnes raisons.
Tes fils impétueux n’ont pu changer grand-chose
À la course de l'Homme après sa décadence.
Dans ta grande sagesse, aurais-tu quelque idée ?

Le Vent reprit son souffle. Que pourrait-il bien faire
Pour aider, un peu tard, notre pauvre planète ?
Il venait de l’Ouest où résidait la Pluie.
Cette illustre pleureuse a bien des aptitudes !
Même en étant petite, elle était très capable
D’abattre une tempête ; un adage le dit.
Pour elle, c’est un jeu, juste une passe d’armes.
À l’amie de toujours, le Vent fait un message :
« On a besoin de toi ; sache que c’est urgent.
De ta grande sagesse, on espère une idée. »

La Pluie capte l’appel et quitte son repaire.
Du secours à offrir, elle n’a pas l’idée nette.
Elle écoute le Vent lui narrer son ennui.
« Tu le sais ; je partage aussi vos inquiétudes
Devant les excès de l’Humanité coupable.
Je peux juste éplorer ; c’est là mon seul crédit.
- Justement, répond l’Arbre ; si je verse des larmes,
Les Hommes s’émouvront et deviendront plus sages.
- Il faudrait, dit la Pluie, qu’ils soient intelligents !
Ma ‘’sagesse’’ a peut-être une meilleure idée. 

Invite donc l’Oiseau. Que le règne animal
Prenne une part active à cette rédemption.
Et la Pluie d’expliquer à l’Arbre abasourdi,
Au Vent déconcerté, son plan exceptionnel.
L’Oiseau mandé s’en vint, s’agripper des deux pieds
Sur l’Arbre familier où le Vent, à mi-voix,
Exposa leur projet, fomenté brillamment
Par la Pluie tout émue, prête à verser un pleur.
« Merveilleux, dit l’Oiseau. Le Ciel soit avec nous !
Cette idée, vraiment, est pleine de sagesse. »


Dans ce monde perdu où plus rien n’est normal,
Chaque Humain, jeune ou vieux, saisi par l’émotion,
Assista en direct au spectacle inédit
Dont voici le récit, fabuleux, irréel :
L’Arbre prit une feuille, cueillie à son houppier ;
L’Oiseau prit une plume, à son aile de soie ;
L’Arc-en-ciel écrivit, de ces deux éléments
Et le Vent suspendit l’ S.O.S en couleurs
Au firmament, sous l’œil des Humains à genoux...

De cette étrange idée, renaquit la sagesse.


A propos du temps (poésie libre rimée)

Notre langue française, née de parlers antiques,
Est si fertile en mots, tellement musicale !
Son bagage, pourtant, n’est pas satisfaisant.
Un exemple suffit pour étayer ma thèse :
Si je parle du temps, qu’évoque-t-il d’emblée ?
S’agit-il du climat, du soleil, de la pluie
Ou des jours qui trottinent en nous faisant vieillir ?

Les saisons se succèdent et modifient le temps…
L’horloge, imperturbable, aiguillonne le temps…

Ce terme-là devrait avoir un rôle unique.
Or, il a deux fonctions, chose paradoxale,
Qui n’ont rien en commun. Qu’importe ! Venons-en
Au sujet d’aujourd’hui. Fermons la parenthèse.

Nous parlerons du temps qui déroule une année.
C’est le temps historique ; il s’égrène et s’enfuit,
Emportant le présent que l’on peine à cueillir.
L’invariabilité, c’est la loi de ce temps.
L’horloge en est la preuve ; on la croit mais, pourtant…

Quand, autour d’une table, une famille heureuse
S’assemble et se revoit pour un repas festif,
Arrosé de nectars, éclaboussé de rires,
Chacun oublie le temps, le temps chronologique.
La fête arrive au terme ; il faut bien une fin.
On consulte sa montre ; on s’inquiète de l’heure.
Pourquoi ce beau moment n’est-il pas éternel ?
Au contraire, on dirait que l’horloge sournoise
A pressé ses aiguilles pour écourter le temps.

Par contre, sans surprise, une femme amoureuse
Loin de son bien-aimé, quel qu’en soit le motif,
Ne se contente pas d’appeler ou d’écrire.
Elle attend, cœur battant, la minute magique
Où leurs âmes et leurs corps exulteront enfin.
Car le rythme des jours, multipliant ses heures,
Se révèle, pour elle, éprouvant et cruel.
On dirait que le temps lui cherche quelque noise,
S’étire sans remords, ignorant qu’elle attend.
Le temps paraît trop long ; le temps paraît trop court,
Alors qu’il est pareil, alors qu’il est constant.
Ses écarts apparents nous semblent déroutants.

C’est notre état d’esprit qui fait varier le temps.
Ce n’est qu’une illusion, comme il y en a tant,
Un mirage de plus que le destin nous tend,
Selon que l’on est triste ou que l’on est content.
L’horloge, sans faillir, écosse les instants.
Ne comptons pas sur elle pour nous porter secours.


Progrès ?

Dans ma lointaine enfance, on entendait parfois
l’expression imagée d’impossibles souhaits :
"Oui, ce sera la semaine des quatre jeudis !!" **
Bien sûr, quatre jeudis ne se sont pas croisés
au cours d’une semaine, en créant le chaos.
Mais les quatre saisons se disputent le temps
comme des chiffonniers, en UN jour, quelquefois !
L’aube a l’air d’un hiver, avec ses doigts gelés ;
le matin, c’est l’été ; le soleil s’enhardit.
Hélas, l’après-midi, nous sommes arrosés 
et le vent de l’automne nous livre ses assauts.
Lorsque tombe le soir, on dirait le printemps !

Les folies des humains perturbent la nature.
Leur orgueil insensé déchaîne les tornades
et leurs débordements contaminent les mers.
Le ciel crie sa colère ; excédé, il délire ;
pour notre châtiment, détraque les saisons.
Nous courons, effrénés, vers une fin logique.
Notre Terre, réduite à sa caricature,
ne pourra plus nourrir ses habitants malades
puisque nos chefs d’Etats, prometteurs de chimères,
depuis des décennies, lestent leurs tirelires
repoussant tout remède, pour de viles raisons,
obsédés par leurs matchs, sur le ring politique.
Ne dites surtout pas que je suis pessimiste.
A quoi sert le progrès ? Nous sommes au plus mal.
La Science voit plus clair, mais pas les médecins.
On soigne d’un côté, on abîme de l’autre.
Les médias nous effraient, pour faire de l’audience.
Les banques nous menacent, épargnant les vautours…
Je peux, à l’infini, allonger cette liste.
Plus grand-chose aujourd’hui, ne me paraît normal.
Dans ma tête, déjà, sanglote le tocsin.
Notre époque en émoi voit de nouveaux apôtres
vendre des aller simples, en totale inconscience,
vers un monde inconnu, à piller à son tour.
Et le peuple aveuglé, plus crédule qu’avant,
converti à l’ego, gavé d’artificiel,
retourne à quatre pattes, en mouton de Panurge,
se croit pourtant unique et même supérieur.
Il a tout désappris de la belle Nature
qu’il ne regarde plus, attentif à ses jeux.
Elle était pourtant douce, la chanson du vent !
Ils me faisaient rêver, les blancs troupeaux du ciel !
Je crains pour les suivants ; c’est pourquoi je m’insurge.
Pour moi, j’ai dépassé l’étape de frayeur ;
je vais, à pas sereins, gagner ma sépulture
quand la mort voudra bien que je ferme les yeux.

** la semaine des 4 jeudis : au XVe siècle, les gens auraient aimé 4 jeudis, pour retarder ou remplacer le vendredi, jour maigre.

L’expression fut confortée par les écoliers qui auraient voulu 4 jeudis, jours de congé.


De toutes les couleurs

Je veux du rouge dans ma vie.
Pas du sang, ce breuvage insensé mortifère.
Pas du feu, terrifiant aperçu de l’enfer,
mais des coquelicots, dans les prés, à foison,
mais des soleils en fièvre, enlaçant l'horizon.

Je veux du jaune dans ma vie.
Pas le sable trompeur où trébuchent les hommes,
ni cet or hypocrite apporté par l'automne ;
mais le miel du bonheur qui sucrera ma route,
mais l’ambre de la lune accrochée à sa voûte.

Je veux du bleu dans ma vie.
Pas de bleus à mon âme ; elle en a plus qu’assez.
Pas de bleus sur mon corps ; ils pourraient le blesser.
Mais l'azur estival, ourlant les toits d'ardoise,
mais la mer Ionienne aux reflets de turquoise.

Je veux de l’éclat dans ma vie.
Je veux des hosannas, non pas des requiem.
Je veux des arcs-en-ciel au bout de mes carêmes.
Je veux des aquarelles aux pans de mes années.
Je voudrais des bouquets piqués dans mes journées.

Remportez ce noir et ce gris,
tous les lugubres coloris.
Je ne veux que de la gaîté,
que le sourire de l'été.


Bonheur de septembre

Au coin de ma fenêtre, une toile irisée,
magnifique dentelle, où règne une araignée,
une araignée rayée, superbe et immobile.
Par-dessus le muret, des moineaux volubiles
font de l'escarpolette aux branches du sapin,
puis ils accepteront l'offrande de mon pain.
Le houx, juste à côté, paré de ses rubis,
mélange avec éclat ses joyeux coloris.
Un rayon de soleil a plongé dans mes yeux.
J’essaie de capturer ce moment délicieux.
Le bonheur s’est assis aujourd'hui, sur mon seuil.
Qu’il s’y repose bien : je lui fais bon accueil.


La nuit est belle

Elle est la fille du Crépuscule
et de l’occulte Obscurité.
Elle déploie ses tentacules
pour mieux étouffer la clarté.
En sortant de son réticule
des diamants de qualité,
elle séduit le noctambule
de sa ténébreuse beauté.
Avec lui, elle gesticule
une salsa mouvementée.
Sa chevelure noire ondule
au vent paisible ou tourmenté.
Certains La disent maléfique,
provocante et diabolique…
Elle a la couleur des ennuis !

Pourtant, parfois,
avec douceur, elle circule,
nous incite à nous aliter.
Sa bouche ombrageuse articule
un hymne à la sérénité.
Quelque cauchemar nous bouscule ?
Il vient de notre intimité.
Si, dans un doux rêve, on bascule,
on s’en extrait réconforté.
Qu’un amour partagé nous brûle,
c’est une vraie félicité.
Dès lors, on La dit bénéfique,
apaisante ou bien magnifique.
Elle a un pouvoir inouï.

Mais je crois…
qu’au-delà de ces préambules,
il faut savoir s’en délecter :
entends le hibou qui hulule
son cri d’espoir répercuté;
vois les étoiles qui pullulent
sur le firmament velouté ;
salue la lune et sa virgule
sur cette phrase à compléter ;
capte la paix qui s’accumule
pour que Demain soit supporté.
Alors, Elle sera magique,
fabuleusement poétique,
cette merveille appelée Nuit.


Cent fois sur le métier…

Je fais souvent ce rêve étrange et lancinant
d'un texte si soigné que rien ne le dépare,
sans graphies erronées, sans fautes de temps...
Hélas ! je me réveille et suis là qui répare.

Car il faut affiner mais, ma Muse hésitant,
j'aimerais, moi aussi, dénicher des mots rares.
Mon verbe combatif et mon bic percutant
m'infligent un pensum qui, longtemps, m'accapare.

Qu'il soit conservateur, progressiste ou bien neutre,
cet écrit que j'épluche, d'un implacable feutre,
je le voudrais parfait comme un été indien:

Que jamais ne s'y vautre une expression fautive,
banalité facile ou formule chétive,
comme autant de grumeaux dans mon pain quotidien !


Fable du paillasson

Au seuil de la maison, veillait un paillasson,
Tout poil dehors ; on aurait dit un hérisson.
Il faisait son travail en se prêtant aux pieds
Qui lui frottaient le dos, juste avant l’escalier.
Mais, un matin d’octobre, il se vit envahi
De feuilles qui semblaient tenir beaucoup à lui.

"Hé là ! grommela-t-il, allez-vous-en et vite !
Je n’ai souvenance d’avoir fait nulle invite. 
Retournez au perchoir. Pourquoi l’avoir quitté ?
C’est un manque flagrant de … de fidélité."
Certaines migrantes ne répondirent pas.
Et pour cause : elles avaient succombé au trépas.
D’autres, moribondes, se tordaient sur le sol.
Enfin, l’une, encore verte, osa une parole :
"Ce n’est pas notre faute ; le vent est le coupable.
Il nous a détachées sans pitié de l’érable."
Dès lors, le paillasson s’en prit au vent sauvage :
"Ne pouviez-vous laisser ces feuilles en leur feuillage ?"
Mais le vent goguenard que jamais rien n’étonne
Accusa vertement le tout nouvel automne :
"C’est lui qui m’a chargé de faire branche nette.
Il faudra l’accepter ; je vous le dis tout net."
Notre Cerbère, alors, s’adresse à la Saison :
"Vos caprices, je vois, saliront ma maison,
Me privant de mon rôle, pourtant essentiel.
Hé bien ! le prétentieux, appelez-en au Ciel !
Pour qui vous prenez-vous ? Vous n’êtes qu’un grattoir,
Un esclave, un bouseux, proche du dépotoir."

Blessé dans son orgueil, le paillasson se tut.
Face à tant d’éléments, ben ! Il était foutu !

Moralité : le principe de la mauvaise foi :
C’est toujours la faute d’un autre.


Nid de brique

De sa belle voie claire, ma fenêtre m’appelle.
"Vois-tu ce que je vois, tout là-haut ?" me dit-elle.

Petit moineau malin s’est trouvé un logis,
une chambre de bonne, juste sous le toit.
Il manquait une case au mur dont il s’agit.
C’est fou, me direz-vous ; par quel hasard matois ?

Le mystère est entier, il n’a pas d’importance.
Petit moineau ne s’est pas posé la question.
Il a emménagé, profitant de sa chance,
dans cet antre exigu dont il prend la gestion ;

ça tombe on ne peut mieux : le voici à deux pas
d’un pin majestueux, producteur de pignons.
C’est dans ce restaurant qu’il prendra ses repas,
petit moineau futé, petit moineau mignon.

Debout sur son balcon, à son premier étage,
il regarde le ciel, il scrute l’horizon
et pépie de joie au matin sans nuages.
Petit moineau ravi possède une maison.


Apparition de Noël

L’ombre glissa silencieusement dans la petite église, dans ce désert glacé parfumé de mystère. L’humidité froide l’enveloppa comme si sept serpents s’insinuaient sur son corps. L’homme était arrivé là par hasard, saisi d’une impulsion inexpliquée.

Il avait traversé le hameau endormi, d’un pas souple, rapide, vomi par la nuit ? ou sorti de l’horizon ? ignoré de tous, volontairement. La faim le tenaillait ; une rage impuissante le guidait vers un but imprécis, peut-être inavouable. Devant lui, un chat noir avait jailli d’un recoin sombre et couru cacher sa peur dans une ruelle. Surpris, l’homme avait marmonné quelques mots dans une langue étrangère.

C’est alors qu’il avait vu l’église modeste, enturbannée de guirlandes lumineuses. Oh ! ce n’était ni une mosquée, ni un temple ni une collégiale. Simplement, une église de campagne sans prétention. Elle semblait dire : « Je suis là pour vous. On m’a un peu maquillée, pour la Fête. Partageons ensemble la joie de Noël. » D’une main fébrile, l’homme avait tourné la poignée du portail, sans espoir, sans illusion, presque en attente d’un refus. Miracle ! la porte s’était ouverte en grinçant un peu, pour le prier d’entrer.

Il s’était alors trouvé dans cet endroit sacré, au milieu du silence. Peu à peu, son regard s’habitua à la pénombre, grâce à quelques photophores balbutiants et à la lueur de la lune curieuse qui regardait par un vitrail. Elle distingua une silhouette haute et mince, entrevit des yeux clairs, un nez busqué, une chevelure bouclée.

Lui vit la simplicité du lieu : pas de dorures, pas de luxe, hormis le chœur en marbre rouge et noir, veiné de blanc. Pas de tronc à piller. Des chaises basses attendaient patiemment d’hypothétiques fidèles. Une main attentionnée avait disposé des plantes autour de l’autel, apportant une vie au sanctuaire, en cette saison moribonde. Sur leur socle, des statues faisaient le tour de l’église. En simple bois blond, ciselées avec délicatesse et réalisme, elles semblaient posséder une âme ; il ne leur manquait que la parole. Le visiteur nocturne s’approcha de la Crèche, à droite du chœur. Un sourire étrange découvrit ses dents blanches ; il caressa sa barbe d’un geste pensif.

« Ils ont oublié les chameaux, se dit-il avec ironie. Ils se sont appropriés cet Evénement, ils l’ont traduit à leur façon. »

L’inconnu se détourna de la Crèche qu’il jugeait décevante et s’abîma dans la contemplation de deux sculptures qui l’interpellaient : la première représentait Marie, couverte de voiles plissés. Elle tenait contre elle son précieux bébé tout nu, dodu et gigotant. Elle penchait la tête vers lui, avec tendresse et lui murmurait à l’oreille des douceurs maternelles. C’était saisissant d’amour intemporel, d’amour universel.

La seconde sculpture montrait l’enfant Jésus, hissé sur la pointe de ses petits pieds, dans l’effort qu’il faisait pour tendre un marteau à Joseph. Affectueusement, celui-ci caressait la tête du petit, d’une main calleuse et reconnaissante.

L’homme sentit les larmes jaillir de ses yeux, si secs depuis longtemps. Il ne ressentait plus ni le froid, ni la faim, ni la colère, ni le désespoir. Une douce paix coula dans son cœur, comme un cadeau, comme un baume bienfaisant.

A reculons, il quitta l’endroit avec respect, lentement, silencieux comme un voleur et disparut dans la nuit des temps.


Diableries

Méphisto, un beau jour,
lassé de sa fournaise,
opta pour un séjour
sur la terre, à son aise.
C’est d’abord à Paris
qu’il posa son bagage.
Mon Dieu ! ce qu’il a ri
dans les embouteillages !

Sa beauté satanique
initia des minettes
à certaines pratiques
que la vertu rejette.
Ses attentions sournoises
dotèrent en diablotins
des pimbêches bourgeoises
dont il fit ses catins.

Les gens se disaient : « Diable !
où donc l’avons-nous vu ?
Dans cet épouvantable
accident sur la rue ? »
D’autres, pleins de méfiance,
croyant voir le ministre
assigné aux finances,
lui trouvaient l’air sinistre.

Bref ! il fit du ravage
avec délectation
partout sur son passage.
Avant les élections,
il montra son image
en promettant sans honte
de se mettre à l’ouvrage
pour le bien de ce monde.

Il aurait réussi
sûrement cette arnaque
qui sentait le roussi,
l’idéal démoniaque.
Son portable, par chance,
rappela Lucifer.
Terminé, les vacances !
Bon retour en enfer.

Heureusement, personne
n’a deviné son but,
sauf moi qui le soupçonne :
c’était bien Belzébuth.


Bonne année

Broyez du rose au lieu de noir ;
Opposez de l’oubli à tout léger déboire ;
Nourrissez de vos joies la faim de vos mémoires ;
N’emplissez vos esprits que des beautés à voir ;
Ensoleillez les tristes soirs.

Arrosez très souvent les semences d’espoir ;
Nouez à votre cou un collier de victoires ;
N’acceptez nul amour apte à vous décevoir ;
Ecoutez un ami qui pleure son histoire ;
Et la nouvelle année vaudra toutes les gloires.


Etapes d’une vie

Depuis la nuit des temps, la Femme qui conçoit
porte en elle une ébauche et pas de certitude.
Ce début est espoir, s’il apporte la joie.
Optons pour ce cas-ci ; menons-le jusqu’au terme.
Vient le jour de naissance ; le nouveau-né reçoit
toutes les attentions, dans la sollicitude.
C’est un bébé fripé qui sera maladroit
plus que tout animal d’espèce subalterne.

Il lui faudra des soins, il lui faudra des mois
pour marcher sans tomber, pour se faire comprendre.
Il sera jeune enfant, revêtu de son ‘’moi ‘’,
curieux de découvrir et assoiffé d’apprendre.
Dans le meilleur des cas, à force de « Pourquoi ? »,
il assimilera tout ce qu’on peut attendre
d’un avenir brumeux, corollaire à nos choix.
Il réalisera que la vie n’est pas tendre.

Car, l’enfance achevée, viendra l’adolescence,
ce temps d’ébullition, de mue, de révolte
où l’homme en devenir fera la connaissance
d’un monde en changement, à commencer par lui.
Difficile, parfois, sa nouvelle existence !
Il devra s’atteler aux premières récoltes,
construire pas à pas sa propre indépendance.

Du choix de ses cueillettes dépendront ses fruits.
Devenu un adulte en pleine effervescence,
il mènera sa barque, au gré des vents contraires
et suivra son destin jalonné d‘expériences,
ballotté entre efforts, défaites et victoires.
Emporté par les flots, sans en prendre conscience,
sans possibilité, d’ailleurs, de s’y soustraire,
il franchira le Cap de Bonne Sénescence
qui, de nos jours, promet une seconde histoire.

Si tout se passe bien, s’il n’a pas de problème,
sa volonté fera qu’il lui reste du temps.
Qu’il vive pleinement, sans excès et qu’il aime !
Car, jamais son Présent n’aura eu meilleur goût.
Libéré des pressions, qu’il s’adonne à lui-même
afin d’être un vieillard optimal et content
de l’ouvrage accompli, sans peur et sans dégoût.

Tout comme à sa naissance, étrange phénomène,
on lui verra des rides et de la maladresse.
Il lui faudra des soins, une attention sereine :
marcher sera risqué, se faire entendre aussi.
Mais si, autour de lui, les plus jeunes comprennent
que tout âge a ses droits, y compris la tendresse,
qu’ils auront beau user de mille stratagèmes,
leur tour arrivera… ce sera réussi.


L'Oisiveté

Dans la vaste cité qu'on nomme Caractère,
Vivait l’Oisiveté, d’un abord attrayant.
Déshabillés de soie, captivant maquillage
Faisaient d’elle une perle au fallacieux éclat.
Elle accueillait au lit l’incroyable parterre
D’amants tous bien nantis qui, en se relayant,
L’entretenaient, charmés par son libertinage,
Et pouvaient la quitter, quand ils en étaient las.

Un beau jour, elle tenta d’attirer le Courage,
Sachant que son travail lui rapportait beaucoup.
Il fut d’abord tenté ; sa mère, la Vaillance,
Eclaira sa lanterne : elle veillait au grain !

Notre belle enfanta, des amants de passage,
De dignes descendants qui accrurent son coût,
Bouches à sustenter : la passive Indolence,
L’incurable Paresse, l’Avidité sans frein...

L’Oisiveté vieillit et subit les sévices
De l’Oubli aux aguets qui succède au succès.
Ainsi, l’Oisiveté fut mère de tous les vices,
Ses enfants sans attraits, contraints à maints excès.


Poison d'avril

Avril est sans charme ;
le ciel fond en larmes ;
le printemps s’alarme :
"Où es-tu, soleil ?"

Avril est sans forme ;
les oiseaux s’endorment ;
le printemps s’informe :
"Viendras-tu, soleil ?"

Avril se referme ;
proche de son terme ;
le printemps qui germe
languit sans soleil.

L’horizon se voûte.
Le soleil qui boude,
tête entre les coudes,
fait la sourde oreille.


Neige hâtive

Les cheveux du gazon ont blanchi cette nuit,
d’un albâtre uniforme apportant un grand froid.
La nature, on dirait, a subi un effroi ;
le fantôme d’hiver a surgi sans un bruit.

A travers le jardin que la neige ensorcelle,
j’ai regardé courir mon chat, tellement noir
qu’on croirait voir couler tout l’encrier d’un soir,
sur un matin trop blanc, que ce noir dépucelle.

C’est beau comme une pie,
comme un film pas récent.
C’est un contraste impie,
presque un viol… innocent.

Elle n’a pas d’état d’âme, heureusement, la neige ;
son corps est impalpable, insensible aux douleurs.
Il ne subsistera rien de ce sacrilège
quand un jeune redoux y mettra ses couleurs.


2013 sonnera au vieux clocher du temps

2013 sonnera au vieux clocher du temps
et nous nous lèverons, les yeux pleins de sommeil
afin de découvrir, la hâte l’emportant,
chacun notre avenir, dans l’espoir de merveilles.

Janvier est sur le seuil, en costume de fête,
charmant illusionniste sans baguette magique ;
il affiche déjà au milieu de sa tête
un sourire de Joconde assez énigmatique.
Entre ses mains gantées, il détient une boîte
qui nous est destinée, qui contient le destin
et nous la recevons, les paumes un peu moites,
impatients de l’ouvrir, qu’en sortent nos matins !

Le couvercle a sauté, quel instant d’émotion !
Mais je vous donne en mille ce qu’on y trouvera.
Allons, cherchez un peu, du bonheur ? des tracas ?
L’écrin débordera de points de suspension...


Bonne année

Quand s’ouvrira le sac à surprises,
Le matin du premier janvier,
Sera-t-il plein de friandises
Que chacun va nous envier ?
Contiendra-t-il quelques déboires,
Quelques soucis tapis au fond ?
Recèlera-t-il des espoirs
Qui prendront forme pour de bon ?
C’est un point d’interrogation !
Cependant, il faudra l’ouvrir,
Le cœur battant, plein d’émotion
Et le vider sans défaillir.
Nous aurons mis, pour débuter,
Des lunettes qui nous motivent
À ne voir que les bons côtés :
Notre vie sera positive !


L’Automne et le Vent - Terza rima

Dès novembre, l’Automne estima que la banque,
Agence des Feuillus, lui devait beaucoup d’or.
Il voulut s’assurer que pas un sou ne manque.

Il courut les forêts comme un conquistador,
Plein de cupidité face à tant d’aurifères
Offrant à ses regards un fastueux décor.

En se frottant les mains, il se dit : "Bonne affaire !
Me voilà riche, enfin ; effeuillons, ramassons !
De mon mandat, voici l’instant que je préfère."

L’Avare de Molière aurait pris des leçons
Chez cet Automne avide, énergique à sa tâche,
Pressé de rassembler en tas cette moisson.

Or le Vent, par hasard, s’amuse à cache-cache.
Il musarde à son gré, il sifflote gaîment…
Ce hold-up automnal, en premier lieu, le fâche.

Puis son esprit farceur invente un châtiment
Pour ce brigand d’Automne, à l’audace importune.
Sur les languettes d’or, il souffle fortement.

Dispersé le trésor ! Envolée la fortune !
L’Automne a tout perdu ; il gémit, aux abois,
Sous le regard narquois de Commère la Lune.

Eole a réagi comme un Robin des Bois.
Un voleur dépouillé, la justice est rendue !
Satisfait, il chantonne, aidé de son hautbois :

"On ne profite pas d’une richesse indue."

(1er Prix de Fables, juin 2006 à la Maison de la Poésie de Namur)


Laisse-toi vivre

Ne cherche plus jamais midi à quatorze heures.
C’est si beau, quatorze heures, un soleil au zénith !
C’est l’heure d’un répit, le moment du bonheur.
S’il se présente à toi, n’hésite pas, profite.
Abuse même un peu ; le jour passe si vite !

Ne cherche plus jamais minuit à vingt-six heures.
C’est si beau, vingt-six heures, quand l’amour nous habite !
C’est l’heure d’une étreinte, une île de ferveur.
Si elle s’offre à toi, n’hésite pas, profite.
Abuse même un peu ; la nuit passe si vite !


Elle s’appelait Harlette

Elle fut l’étonnant produit
d’une noblesse à rang de royauté
porteuse d’un bagage exceptionnel,
unie à la simplicité
d’un artisanat prospère, en dépit
du travail rebutant qu’il requérait.

Que pourrait engendrer l’amour
d’une princesse évincée par son père
et d’un tanneur en constante ascension,
la fusion d’un simple ruisseau
et du fleuve qui l’accueille en son sein ?
… Histoire d’eau devenue Océan…

Le fruit, bien sûr, est d’exception :
un joli brin de fille intelligente
dotée d’esprit tout autant que de cœur.
C’est le Destin, pas le hasard,
qui la mit dans le lit d’un Duc,
Robert de Normandie, le Libéral.
Elle était née vers mil, à Huy *
ignorant son avenir à Falaise,
bientôt mère du Conquérant Guillaume.

Pas banale, cette vie-là !
En douceur, elle reprit à l’Histoire
une couronne injustement perdue
et son parcours a réuni
deux nations sœurs bêtement séparées
pour cause d’intérêts démesurés.

Aujourd’hui, je la remercie,
moi, la Wallonne reconnue en France
car, toutes deux, nous sommes des traits d’union !

* Huy, charmante ville de la province de Liège, en Wallonie


Rébellion

Livrés à des gouvernements braqués sur l’intérêt,
Impuissants à combattre l’envers des "progrès",
Bombardés de violence et de négativisme,
Effrayés d’un présent stérile et moribond,
Rançonnés par des lois, au profit de certains,
Trompés de partout au nom sacré de l’Avoir,
Ecœurés de ce monde si beau, sciemment dégradé,

comment croire encore à notre LIBERTÉ,
alors que nous pleurons la mort de la FRATERNITÉ
en trébuchant sur les parpaings de l’INEGALITÉ ?

Je serais négative, moi aussi, en taisant ma recette :
puisons du réconfort dans la SIMPLICITÉ,
sourions gentiment à la CORDIALITÉ,
emplissons-nous les yeux de Nature et BEAUTÉ.


Là-haut, les oiseaux

Les beaux oiseaux qui passent
sur le marbre du ciel
m’emportent dans l’espace
sur la soie de leur aile.

Les beaux oiseaux qui glissent
n’ont pas besoin de luge
là-haut sur la banquise
qui leur sert de refuge.

Les beaux oiseaux qui nagent
sur l’océan céleste
me prêtent leur image
trop fugace et trop preste.

Les beaux oiseaux qui planent
sont pour mes yeux rêveurs
autant d’aéroplanes
où voyage mon cœur.


La Sarthe parle aux Français

Figurez-vous, peuple de France,
qu’une Wallonne, française hier,
s’intéresse à mon existence,
à mes errances de rivière.

Elle m’a suivie sur une carte
après m’avoir vue de tout près
et me demande, à moi, la Sarthe,
de lui confier tous ses secrets :

"Ah ! je suis de haute naissance !
J’ai vu le jour dans des collines,
celles du Perche où mon enfance
s’est écoulée, cristalline.
J’étais curieuse de nature
et je voulais voir du pays.
Je suis partie à l’aventure
depuis le nord jusqu’au midi.
J’ai donc visité Alençon,
en m’arrêtant pour faire le point ;
puis j’ai décidé, sans façon,
de m’en aller un peu plus loin.
Je me suis offert un voyage
à travers les Alpes mancelles.
Il était beau, le paysage
où j’ondulais, ivre de ciel !
Une fatigue me gagnait…
Les peupliers, pleins de sagesse,
m’ont raisonnée, après Fresnay :
Pourquoi ces excès de vitesse ?...
J’ai musardé dans la campagne
et me suis éprise du Mans.
L’Huisne est devenue ma compagne
qui me suit amicalement.
Unies, nous avons erré
jusqu’à Sablé, vers l’occident.
Plus bas, nous avons rencontré
une consoeur, par accident.
Alors, saisies d’ambition,
voulant dépasser la moyenne,
nous décidâmes une fusion
entre la Sarthe et la Mayenne.
D’autant que le Loir, bien amène,
mit ses riches liquidités
à nos pieds, pour créer la Maine,
entreprise de qualité.

De Saint-Aquilin-de-Corbion
à Ecouflant, au nord d’Angers,
nous fîmes parcours de champion…
Oui, nous pouvons nous rengorger !"


Légende à ma façon

Chacun croit que la Sarthe est juste une rivière,
un élégant cours d’eau, gracieuse reptation.
Mais, en la regardant, sur une image, hier,
j’ai eu, si l’on peut dire, une révélation.

Le ciel, un jour, naguère, admirant de là-haut
les jolis paysages, en la région du Maine,
eut envie d’aller voir de plus près ce joyau.
Il fallait, à tout prix, qu’à l’aise, il s’y promène.

Alors, il détacha, pour ce périple osé,
un ruban qui compose la voûte céleste.
Dans ce terroir élu, le ciel a déposé
un morceau de lui-même, à tout jamais terrestre.

Voilà pourquoi la Sarthe est bleue, les jours d’été,
parmi les luxuriants excès de la verdure.
C’est ainsi qu’elle est grise et paraît sans gaieté
quand l’automne s’attriste ou que l’hiver perdure.

Je suis comme le ciel, en toute humilité :
j’irai me promener dans le Maine et le Loir,
m’imprégner de leur charme, le cœur en volupté.
Il suffit simplement, pour ça, de le vouloir.


La Loire

La Loire est une vraie sirène
au regard vert.
Son long cours et ses courbes pleines
ont l’heur de plaire
à l’ardent soleil, son amant.
Dans sa lumière,
il lui taille des diamants,
une rivière…

La Loire est une châtelaine
née en montagne.
Elle inspecte tous ses domaines
et s’en éloigne.
Car le soleil aura beau faire
des cadeaux chics,
l’amoureux que son cœur préfère,
c’est l’Atlantique.

La Loire tend ses jolis bras,
son estuaire
pour qu’il l’emporte dans ses draps
d’écume claire.


C’est fou

J’ai quelquefois de ces fous rires
qui ont des tronches de délires.
Ils se déclenchent pour un rien ;
je ne les explique pas bien.
Je ne connais pas leur durée.
J’en sors toute revigorée.
Et plus les gens ont l’air choqué,
plus ils se disent : "Elle est toquée"
moins j’arrive à mettre en veilleuse
cette folie merveilleuse.

Hélas ! J’ai parfois des fous pleurs,
des orages déprédateurs.
Ils se déclenchent pour un rien
ou à propos d’un vrai chagrin.
Une parole maladroite,
blessante ou bien indélicate
me changent en ciel liquéfié
que tout soleil a renié.
Quand arrive enfin l’éclaircie,
je me sens faible et obscurcie.

Ces réactions imprévisibles
assaisonnent nos vies paisibles
d’un peu de sucre, un peu de miel,
un peu de poivre, un peu de sel.
Ces lubies si peu contrôlables
sont bénéfiques ou déplorables.
Nous ne pouvons leur échapper.
Notre raison handicapée
les prend par chance à la légère.
Ces folies-là sont passagères !


Contraste

Rien n’est plus insolite
que la soie écarlate
des coquelicots qui flottent
sur l’herbe qui ondoie.

Rien n’est plus opposé
que les teints cramoisis
des coquelicots luisants
sur l’herbe qui verdoie.

C’est un plaisir pour l’œil,
une belle trouvaille,
ces coquelicots vermeils
qui mettent l’herbe en joie.

J’applaudis la nature
pour ses complémentaires:
les coquelicots fêtards
et l’herbe qui festoie.


L’archet d’amour

D’après une légende du Maine, écrite en prose par Monsieur Paul Vallin

Au château fort de Mondragon,
se languissait la châtelaine,
jeune épousée délaissée
par la faute d’une Croisade.

La belle Inès, mise en second,
s’occupait à des jeux de laine,
souffrant de n’être enlacée
par un époux en dérobade.

C’est alors que survint Thibaud,
un jeune et beau joueur de vièle,
plein de ferveur et de talent,
vite conquis par son hôtesse.

Quoi de plus simple et de plus beau
que l’attirance naturelle
entre une belle et son galant,
unis par une même ivresse ?

L’amour imposa donc sa loi.
Les jeux n’étaient plus innocents ;
la forteresse résonnait
de rires fous, de chants, d’ébats…

Pour les amants, quel désarroi !
notre Croisé leur annonçant
son arrivée sans délai,
heureux rescapé des combats.

Les amoureux, cœur déchiré,
se séparèrent, d’épouvante.
Inès coupa ses tresses d’or,
cordes d’amour pour l’instrument.

De ces fils blonds, Thibaud tirait
des harmonies si émouvantes
qu’elles donnèrent à la Mort
l’envie d’en faire son amant.

On trouva sa dépouille humaine
à demi mangée par les loups ;
il tenait serré son archet
dont les crins brillaient au soleil.

Et ceux qui passent dans le Maine
près du château, de nuit, avouent
ouïr le vent au trébuchet
des cordelettes de vermeil.


VÅ“ux

Janus aux deux regards,
ferme tes yeux d'hier.
Nos amis trieront au fond de leurs placards
les gentils souvenirs et les regrets amers.
Qu'ils regardent à présent
l'avenir devant eux,
dans son papier cadeau comme un joli présent
à ouvrir lentement pour en profiter mieux.
Que fanent leurs soucis !
Que fleurissent leurs roses !
Que l'amour de leurs proches et l'amitié aussi
leur tissent des hamacs où leur coeur se repose !


Un jour de plus

Sur l’horizon confus, cette nuit s’effiloche
et une aube incertaine a glissé dans l’encoche
d’un jour ensommeillé que la semaine accroche
à son calendrier, sur le mur qui l’embroche.

La lune détrônée, d’un seul coup, se sent moche
et s’efface à regret derrière quelque roche,
un nuage esseulé qu’elle a trouvé tout proche.

Le firmament s’affirme ; il extrait de sa poche
un soleil effronté aux allures gavroches
qui épingle à l’azur, l’or osé de sa broche.

Dans le silence ému, bat le cœur d’une cloche.
Les oiseaux, sur les branches, ont suspendu leurs croches.
Un matin mystérieux, portant une sacoche,
la videra pour nous, sans le moindre reproche,
nous offrant des instants dont j’espère l’approche…


Regard accrocheur

Rien que de s’y plonger, on découvre des choses,
Eloquente émission, langage du silence,
Géométrie d’une âme, expression de pensée,
A condition que l’œil accroche un autre iris,
Réunissant, le temps d’expliquer son affaire,
Deux êtres différents et pourtant si semblables.

Redoutable arme blanche, il frappe et décompose,
Exprimant le mépris, la haine ou la violence.
Gare à ce glaive-là, dans notre âme blessée !
Alerte ! Dans ce cas, fions-nous à l’indice.
Renonçons à l’échange, impossible transfert.
Dans aucun tribunal, celui-là n’est coupable.

Révélation soudaine, audace qui propose ;
Emotion partagée, prélude à l’espérance ;
Graphisme clair ou non, connivence insensée ;
Attirance amoureuse, empathie complice :
Richesse cette fois, telle un cadeau offert.
Décidément, nos yeux formulent maints vocables !

Réseau créant rejet, indifférence, osmose,
Espace coloré de diverses nuances,
Girouette changeant aux vents des traversées,
Abritant ses lueurs par trop révélatrices
(Réserve est de rigueur, pour ceux qui ont souffert )
Derrière leurs volets, ces paupières serviables.


Images d’Épinal

Dans ce matin de mars, engourdi, qui frissonne,
tinte le clair écho d’une cloche qui sonne.

C’est le printemps tout neuf ; il nous fait un message
"J’arriverai bientôt, si les Terriens sont sages."

A ces mots, la Nature ouvre un œil enchanté.
Pour la première fois, Rossignol a chanté.
La rosée, déjà, lui prépare du thé.

L’Hiver a pourtant bien tenté de s’attarder.
Au jeu de ‘’qui perd, gagne‘’, il a pipé les dés.

L’Année l’a démasqué, chassé de son palace.
De la bise et du gel, assez vite on se lasse.

Le Soleil, en vitesse, allume sa lanterne.
Il était plus que temps : l’Europe était si terne !
On l’aurait cru sortie tout droit d’une citerne.

Le Ciel, empli d’espoir, attend les hirondelles
qui le ramoneront sans balai, d’un coup d’ailes.

Le Hérisson, surpris, déserte sa tanière.
L’hiver, il a dormi ; oui, mais c’était hier.
En quête d’un dîner, d’un pas traînard, il erre.

Le Jardin s’est paré de vives floraisons.
Que la folie triomphe ; au diable la raison !

Les Humains, tout heureux, sortent de leurs demeures,
pour fêter dignement ce sombre Hiver qui meurt.

Partout, règne la joie, fleurit la joliesse.
Notre cœur impatient se livre à la liesse.
Mais on frappe à l’huis! Qui est là ? Qui est-ce ?


Aronde joyeuse

Une hirondelle passe sans laisser d’autre trace
qu’un gazouillis rieur.
Une paire d’ailes passe
et intrigue l’espace :
son accent vient d’ailleurs.
Elle a, dans son bagage,
un petit coin d’Afrique.
A la fin du voyage,
elle nous chante un cantique.
Car elle a traversé
des océans immenses
hérissés de dangers,
pour livrer la sentence :
L’hiver quitte le ciel
au profit du printemps.
Quel message essentiel
pour nos cœurs grelottants !


Joyau d’Yvré-l’Évêque

Il est une abbaye, à quelques lieues du Mans,
dont l’âge canonique inspire le respect.
Née au XIIIe siècle, elle souffrit tourments,
en des temps où la France était privée de paix.
Elle eut à patienter jusqu’au siècle dernier
pour être restaurée, retrouver belle mine.
Le bon peuple français lui offrit ses deniers
afin qu’elle renaisse, altière, de ses ruines.

Je parle de l’Épau, de la Piété-Dieu.
Ce haut-lieu culturel enorgueillit la Sarthe.
Et quand on s’y arrête, qu’on soit ou non pieux,
si l’on ferme les yeux, si du monde on s’écarte,
on peut imaginer la reine Bérengère
rescapée du naufrage des Plantagenêts.
Elle a voulu fonder cet endroit de prière
qui conte ses malheurs, où elle erre à jamais.
Princesse de Navarre, elle fut ‘’ une épave
ballottée par la vague et le vent ‘’ batailleur.
J’ai l’illusion d’entendre ici sa voix suave
psalmodier un cantique, espérant sort meilleur.


Une page m'attend

Une page m'attend !
J'en ai le cœur battant.
D'ordinaire, c'est moi qui caresse une feuille,
lui proposant mes mots, jusqu'à ce qu'elle en veuille.

Une page m'invite
à lui rendre visite.
C'est mieux qu'un homme, une page, parfois.
Tout ce qu'on lui confie, elle l'accueille, elle y croit.

Une page m'appelle.
Surprenante nouvelle!
Je m'y pose avec joie pour m'envoler en France
dont la langue harmonieuse accepte mes avances.

Mes ancêtres français,
je le sens, je le sais,
m'offrent secrètement ce privilège extrême
dont nous avait spoliés Louis le Quatorzième.

Des tréfonds de l’Histoire,
me subsiste un espoir :
apporter mon offrande en toute modestie
au triomphe éclatant de la francophonie.


Erreur de jugement

Agrippée au volant de sa petite Aixam,
lunettes au bout du nez, certaine vieille dame
arpente cette route, à sa façon placide,
où tout dépassement relève du suicide.

Derrière elle, énervé, la suivant comme une ombre,
un jeune casquetté, le visage bien sombre,
attend le bon moment, perd patience à ce train.
Ce qu’on peut affirmer, c’est qu’il ronge son frein !

Mais, de ronger son frein, n’est-ce pas dangereux ?
Quand il n’en aura plus, ce jeune impétueux
courra droit au fossé ; c’est le sort qui l’attend,
au virage prochain, d’ici quelques instants.

Plutôt que suivre en vain ce rythme octogénaire,
il aurait mieux valu qu’il se déniche une aire
et qu’il prenne le temps de se calmer les nerfs,
en respirant à fond des bouffées de bon air.

Si j’ai dit l’avenir, il aura des séquelles,
sa bagnole écopant d’un sérieux coup dans l’aile.
Demain, dans le journal, on lira : "Pas de doute !
Par excès de vitesse, il a quitté la route."


Saint-Julien du Mans

Beaucoup d’endroits de culte ont pu être érigés
sur des sites païens dont il reste une trace.
Les siècles ont coulé, les combats, ravagé
mais, la plupart du temps, notre Histoire est tenace.
Elle est mémoire vive en cette cathédrale
où la foi des humains a pris de la hauteur.
Elle couve un menhir, une offrande ancestrale,
bien modeste à côté de sa vaste splendeur.
C’est ce primitif-là, debout depuis toujours,
cette stèle sans nom qui suscite un mystère.
Quel être du passé se drape de velours
façonné par les âges, en ses replis de pierre ?
Qui se cache en dessous, exhibant un nombril
que tu touches du doigt, pour sceller ta présence,
à l’endroit du cordon, ne pas perdre le fil
entre une Génitrice et puis sa descendance.
Des hommes l’ont compris, malgré les divergences.
Quel que soit notre dieu, le culte sert au moins
à donner à notre âme un lien d’existence,
sans oublier jamais que nous venons de loin.


Ode à la féminité

Femme, tu es une orchidée, fragile autant qu’osée ;
tu es une hirondelle, aérienne et mouvante ;
tu es une lumière, une sorte d’étoile ;
tu es une victoire, âprement méritée ;
tu es une gageure à l’issue triomphante ;
tu es une améthyste, à l’éclat transcendant ;
tu es une, tu es lune, au changeant caractère,
miraculeux creuset, façonnant le Futur.

Femme, le cours du temps t’a métamorphosée ;
tu deviens tourterelle, attentive, émouvante ;
tu es peintre avertie qui achève sa toile ;
tu es comme un fruit mûr, à l’ultime beauté ;
tu as la force en toi, qui te garde battante ;
tu es l’ambre orangée, le soleil d’occident ;
tu caches tes faiblesses, étant compagne ou mère,
malgré le poids des ans qui courbe ta sculpture.

Femme, tu es unique et plus, incomparable !

Extrait de "Comme chats, lune et vent… Femme varie souvent."


Chacun son goût

Dans un château cossu, voici bien deux cents ans,
afin de rompre entre eux un silence pesant,
un bas-bleu proposa le sondage suivant
à son mari guerrier, volage et bon vivant :

"Quel effet vous fait-il, que je sois érudite,
dites, dites ?"

Surpris par la question, l’époux, nullement bête,
extirpa prudemment d’un recoin de sa tête,
une réponse pleine d’ambiguïté
propre à le maintenir en sa tranquillité :

"Ma chère, avouons-le, cela me déconcerte,
certes, certes."

La dame, en minaudant, cherche à se rassurer ;
elle approche un peu plus, afin de susurrer,
le regard aguichant, la bouche en cul-de-poule,
la crainte bien fondée qui tant la tourneboule :

"N’aimeriez-vous pas mieux que je sois Aphrodite,
dites, dites ?"

De loin, l’époux préfère une jeune donzelle
rompue de nature au goût de bagatelle,
disposée à toute heure à retrousser sa cotte.
Peu lui chaut qu’elle soit illettrée ou bien sotte.

"Ma chère, en vos écrits, je vous trouve parfaite.
Faites, faites."

Et pour ne point troubler son épouse inspirée,
il la quitte en douceur et s’en va respirer.
Aucun rondeau n’aura valeur, il le confesse,
égale à la rondeur osée d’une fesse.

Extrait de "Ce qu’il est drôle et tendre, ce Français !"


Confusion

Au doux pays d’Egarement,
il y a toujours un roi qui règne,
le roi Fou XII, évidemment.
Ce monarque est une vraie teigne.
Il aime à causer des tourments.
Vraiment, tous ses sujets le craignent
et vivent dans les tremblements.
Un jour, il mande la duègne
qui vient avec empressement.
« Vite, un artiste ! Qu’il me peigne ! »
dit Sa Majesté, fermement.
Bien qu’une couronne le ceigne,
ses cheveux lui font l’air dément.
Il faut bien que la Dame feigne
d’arranger ça rapidement.
C’est courant que la peur l’étreigne
et la prive de jugement.

Elle envoie chercher le coiffeur
le plus réputé du Royaume.
L’artiste arrive donc sur l’heure
afin de coiffer le grand Homme.

Pas un instant, le roi ne daigne
s’occuper de l’évènement.
Mais, quand les ciseaux et le peigne
menacent son accoutrement,
comme toujours, il faut qu’il geigne
et qu’il pousse des hurlements :
« Qu’on aille chercher la duègne,
qu’elle reçoive châtiment !
Je veux que le fouet la saigne
pour s’être trompée sottement.

C’est un peintre que je voulais ;
pas un barbier, qu’il aille au diable !
Un peintre qui fasse un portrait,
qui peigne mon visage aimable. »

Au doux pays d’Egarement,
le verbe ‘’peigner ‘’ est fautif ;
le verbe ‘’peindre ‘’également :
ils ont le même subjonctif !


C'est grammatique

A présent, à titre indicatif, permettez que je vous raconte un court chapitre de ma vie.
Mon passé ne fut pas simple ; il a été composé de petits problèmes.
Un homme cherchait à me séduire, mais je le trouvais commun…comme un nom. Il n’était pas très soigné ; j’aurais préféré qu’il fût propre…comme un autre nom ! Bref, je l’ai rapidement évincé.
Peu de temps après, j’en rencontrai un autre qui me plaisait beaucoup.
Ce fut un vrai coup de foudre, une folie.
Nos débuts furent idylliques. Pourtant, peu à peu, notre septième ciel se couvrit de nuages menaçants, car mon compagnon avait beau se montrer démonstratif…comme un pronom,
il était extrêmement possessif…comme un adjectif !
Tout ceci fut déterminant pour notre avenir. En effet, ses accès de jalousie répétés me laissaient, à chaque fois, contractée…comme un article.
Je n’étais même plus son sujet de conversation préféré ! Je devenais son objet… direct.
En fait, j’étais en liberté…conditionnelle : où que j’aille, il était toujours présent…comme un impératif !
Durant des mois, j’ai enduré ce calvaire, jusqu’au jour où j’ai compris.
Dès lors, ce macho fait partie de mon passé…comme un participe, ce qui signifie qu’il ne participera pas à mon futur.
Normal ! Il était très imparfait…comme un subjonctif !

Extrait de ‘’Ce qu’il est drôle et tendre, ce Français ! ‘’


Mots croisés

Comme les humains au cours d’une vie,
se rencontrent et trouvent des points communs,
les mots se réunissent dans les grilles
et se croisent en cherchant le bon chemin.

Ainsi, le jour peut épouser le soir,
s’ils respirent tous les deux le même R ;
même le blanc peut s’accorder au noir,
la N oubliée en fera deux frères.

Le soleil peut flirter avec la lune
en s’accrochant tendrement à son L ;
la pauvreté boit avec la fortune
une tasse de T servie pour elles.

Malheur et bonheur s’embrasseront
s’ils se décident à enterrer la H
de guerre ; le disque et son jumeau, le rond
joueront ensemble aux D, sans relâche.

Certains mots, enlacés à d’autres mots,
montreront simplement comme on s’M ;
les humains supporteraient mieux leurs maux,
s’ils partageaient gentiment leurs problèmes.


Cel Mans, ville rouge

Au rendez-vous d’amour de la Sarthe et de l’Huisne,
les Gaulois ont construit un village fantôme,
un endroit fortifié qu’on appelle oppidum,
sur l’éperon rocheux, sur la blanche colline
dont le surnom celtique était Ouidinom.
Rome toute-puissante en fit une cité,
une ville imposante de modernité :
son nom latinisé se disait Vindinum.

Et, trois siècles plus tard, les citadins d’alors,
érigeant une enceinte, eurent besoin de pierres.
Insoucieux de l’Histoire, ces Anciens employèrent
des éléments des Bains ; ils pillaient un trésor
mais ne le savaient pas, voulant se prémunir.
Les siècles ont coulé ; dès la fin du vingtième,
des travaux de hasard ont mis au jour les thermes,
enfin, ce qu’il en reste, émouvant souvenir.

De nos jours, au vieux Mans, le passé cohabite
avec un aujourd’hui, dans l’actualité.
C’est comme une famille où l’aïeul respecté
veillerait sur l’enfant qui, près de lui, s’agite.
Cet endroit est un livre ; il raconte les âges.
Rien ne subsiste plus d’Aulerques cénomans,
hormis le nom glorieux qui désigne le Mans.
Mais les siècles suivants ont collé leurs images.

Ce livre est grand ouvert ; le temps tourne les pages…


Pro-geais

Dans le bois de chênes
un vol de geais
faisait une chaîne
qui ramageait.
Ils fendaient la brume
d’une aile sûre
en ourlant leurs plumes
d’un bout d’azur.
Ce fut un éclair
tellement rapide !
Déjà, le ciel clair
me semblait bien vide.

Extrait de "Bain de nature… bonheur pur"


Tableau d’automne

En cet octobre finissant,
au beau milieu d’un vaste pré,
des arbres à la queue leu leu
déploient leurs coloris superbes.

Certains s’accrochent à l’été
pourtant devenu obsolète :
ils en ont gardé l’uniforme
résolument vert émeraude.

D’autres brandissent, éblouissants,
les drapeaux d’un automne outré
criant sa joie sur le fond bleu
d’un ciel étonnamment imberbe.

Ils mêlent des tons contrastés
dans leurs nouveaux habits de fête ;
avant que l’hiver les endorme,
ils revêtent des teintes chaudes.

L’orange vif et le marron
côtoient le rouge incandescent,
suivi de beige sans éclat
et de pourpre en maintes nuances.

Le jaune est d’or ou de citron
et le carmin concupiscent.
Cela fait un panorama
propre à émerveiller nos sens.


Mini-conte

C’est la nuit de Noël.
Dans le jardin tout sombre,
est embusquée une ombre.
Une statue de sel ?
Un fantôme en linceul ?
Mais non ! c’est un bonhomme,
coiffé d’un haut-de-forme,
et qui se sent bien seul.
Les enfants l’ont sculpté
dans la neige, hier ;
sa vie est limitée
à quelques jours d’hiver.
Fragile destinée !

Dans ce jardin si sombre,
soudain, se glisse l’ombre
d’un grand vieillard ventru,
descendant d’une échelle.
Un clin d’œil au bonhomme,
son frère monochrome,
comme lui, irréel,
et il a disparu,
le bonhomme Noël !



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